Conte pour un souriceau rêveur
Tandis que Noël approche à grands pas, le souriceau contemple le ciel espérant que la neige recouvrira bientôt la région de ses flocons magiques. Pendant qu’il rêvasse, il se rappelle le conte que lui avait lu son grand père autrefois :
» Par une belle nuit étoilée, un gentil prince s’ennuyait en attendant que la chaleur du printemps vienne réchauffer les chaumes. Alors il descendit dans la salle de garde où les soldats somnolaient à une table près de l’unique cheminée de la vaste pièce. Habillant les murs glacés, des armures lustrées alignées se tenaient au garde-à-vous, captaient et renvoyaient le moindre éclat de lumière. Se faufilant sans bruits, le prince entra dans la pièce du fond dont une ample armoire masquait le début d’un passage secret, qu’il n’était pas sensé connaître. Sans grincement, la porte de l’armoire s’ouvrit, et le jeune homme s’engouffra à l’intérieur. Il referma le battant aussi minutieusement que possible et le coeur battant s’autorisa à allumer une bougie. Il dût s’y reprendre à trois fois, mais la maigre flammèche qui découla de ses efforts, le réconforta fortement. Sans agiter la main il tandis le bougeoir à bout de bras et attendit de s’habituer à la maigre lueur avant de s’aventurer plus avant dans l’escalier vermoulu.
Parfois, lors de sa descente, la lumière de sa bougie vacsillait et il craignait qu’elle ne s’éteigne. Lors de ces moments, le prince soupçonna qu’une issue devait se trouver à proximité. Toutefois, il poursuivit dans l’escalier en colimaçon et sentit progressivement l’humidité s’accentuer . Il devait à présent être dans les sous-sols du château. Arrivé en bas, il découvrit trois passages possibles.Il en avait déjà exploré deux, il lui restait le troisième à parcourir. Précautionneusement, il s’y engagea, prenant soin d’allumer une torche accrochée au mur afin de retrouver son point de départ. Le prince marcha, marcha, durant ce qui lui sembla une éternité. Puis il déboucha dans une grotte visiblement à l’extérieur du château. Il s’approcha de l’entrée, espérant ne pas surprendre un ours dans son sommeil hivernal et cala sa bougie sur le sol afin qu’elle veille sur l’entrée du passage. Puis il s’avança dans la nuit glacée. Grelottant de froid, il se mit en route vers des lumières en contrebas. Caché derrière des buissons, il écouta les histoires que se racontaient des chasseurs assis autour d’un feu de camps.
Dans le château, on avait découvert la disparition du prince et l’alarme fût aussitôt lancée. Immédiatement, la vaste demeure fût fouillée de fond en combles et la garde courait dans toutes les pièces. Mais personne ne soupçonnait que le prince se promenait dans les passages secrets la nuit. Le vacarme engendré par les gens du château parvint au campement des chasseurs, qui se demandaient ce qui pouvait bien agiter une pareille forteresse. Se faisant tout petit, le prince espérait ne pas être découvert. Au moment où les chasseurs ravivaient le feu, menaçant de dévoiler la présence du jeune homme, la neige commença à descendre en flocons fins d’abord, et très rapidement en tourbillons agressifs. Grognants dans leurs barbes hirsutes, les chasseurs décidèrent d’abandonner leur place forte au bénéfice d’un cabanon non loin de là, où ils pourraient échapper à l’humidité et au vents devenus brusquement violents. Calfeutré dans sa maigre cachette, le prince n’en menait pas large. S’il se faisait prendre, les chasseurs demanderaient certainement une énorme rançon à son père. Les tourbillons harcelèrent les chasseurs jusqu’à ce qu’ils atteignent le cabanon, puis ils encerclèrent la masure de leur férocité menaçante.
Curieusement, le prince ne se sentit pas menacé un instant par la tempête qui s’était subitement déchaîné autour de lui. Bien au contraire, il se sentit protégé, et une brise, vint lui murmurer des paroles réconfortantes; à moins que ce ne soit son imagination. Enveloppé de son écrin blanc, le prince regagna le château en toute sécurité. Il passa la grand porte sans être inquiété, tandis que tout le monde courait en tout sens autour de lui. Il passa inaperçu devant les cuisines, dont la flambée rougeoyait, dévoilant la gorge du soupirail. Son escorte voluptueuse l’entraîna jusqu’aux écuries royales. Là, la douce mélodie qui l’avait guidée jusqu’ici, lui annonça la fin de sa promenade et la promesse d’un retour prochain. Sans plus attendre le prince s’engouffra dans l’écurie juste à temps pour voir l’équipe de palefrenier occupé à aider une jument à mettre bas. Comme personne ne s’inquiéta de sa présence, le prince fit celui qui était là depuis un long moment. Le poulain mit un bon moment avant de parvenir à se tenir sur ses pattes, et même ainsi, il titubait gravement. Mais une caresse du museau de sa mère, à peine remise de l’effort, l’incita à téter maladroitement du bout des lèvres. Emerveillé, le jeune homme garda très longtemps le souvenir de cette nuit inoubliable.
Et les longues années suivantes, il n’omit aucun rendez-vous avec son mystérieux bienfaiteur. Lors de solitaires veillées, son ami ne manquait pas de lui susurer de douces mélodies à l’oreille, et personne ne sut jamais pourquoi il ouvrait ses fenêtres lors des tempêtes d’hiver. »
En cette période faste, laissez-vous emporter par votre âme d’enfant.
Bonnes et heureuses fêtes de fin d’année !