Des mots une histoire 39

Des mots une histoire
Sur le thème de mots imposés d’Olivia Billington, création d’une histoire d’après :
– étrange – incandescent – pâmoison – parcimonie – crème – vulgaire – courir – virevolter – salmonelle – froid – oignon – aspirer – panthère – calvaire – effacer – prier – crisser – courage – cosmogonie –
Lune sombre
J’errais dans le froid à courir pieds nus. Comme une âme en peine, je n’entendais plus que mes pas crisser sur l’herbe gelée. A mes tempes, mon sang incandescent battait la chamade, et je n’osais me retourner. Sous les rayons de lune, j’évoluais dans un désert émotionnel salvateur. J’aurais dû m’arrêter pour effacer mes traces, mais n’en avais plus l’énergie. Je n’avais pas non plus le courage de regarder en arrière vers le calvaire que je venais de vivre. Je remarquai quelques buissons sur ma droite et priai pour parvenir à les atteindre. J’avançai en crabe d’une démarche peu élégante, mais qui me coutait peu d’efforts. J’atteignis enfin mon refuge. Dans le silence nocturne, mon étrange situation me sauta subitement aux yeux. Avec parcimonie, la mémoire me revenait. Heureusement parce que je me serais évanouie sous la rudesse des souvenirs qui se heurtaient à ma raison.
Hier encore, j’aspirais à vivre d’extraordinaires aventures, à tomber en pâmoison dans les bras d’un bel inconnu, à virevolter nue sous les étoiles. Mais la réalité m’avait rattrapée. Elle était plutôt rude et j’en voulais à la cosmogonie de m’avoir placée là. Le sol était tout simplement en train de s’ouvrir sous mes pieds, les planètes ne respectaient plus leurs axes et la vérité s’imposait à moi à violents coups de massues. Mon ami et moi étions venus roucouler dans un coin peinard, nous y avions rencontré notre funeste destin.
Je transpirais malgré le gel qui s’insinuait entre mes vêtements. Je revoyais la vaste salle de cette usine désaffectée. Au centre de cet immonde endroit, une panthère se repaissait des entrailles d’un homme lié à un poteau de soutènement. L’un de ses tortionnaires était absorbé par le spectacle et son rire vulgaire se répercutait contre les murs branlants. Un peu plus loin, des corps démembrés gisaient en tas informes et sanguinolents. Telle une crème liquide, le ruisseau ainsi formé allait rougir une flaque d’eau à l’odeur nauséabonde, certainement saturée de salmonelles.
Bien que ce ne soit pas nos oignons, mon compagnon et moi nous étions rapprochés assez près pour sentir la sueur rance des tueurs. Cette vision d’horreur, nous la garderions longtemps en nous.
Mon compagnon vomit et je l’imitai presque immédiatement, ce qui eut pour effet de nous faire repérer. Nous prîmes nos jambes à nos cous et filèrent aussi vite que possible. Nous fûmes séparés lors de notre fuite et je me retrouvai seule dans l’obscurité.
A proximité je sentis une présence. Du coin de l’œil je vis un reflet de lune sur du métal brillant. Je…